bicigrination
- cestpartipouruntour
- 19 sept. 2014
- 4 min de lecture
Rentrés reposés de notre détour par Aviles, chez Teresa, nous entamons l'ultime partie vers Santiago, dernière mais non des moindres, car il nous reste deux des trois cols à franchir: le Cruz de Ferro et l'Alto de O Cebreiro, point culminant de ce “camino frances” à 1337 mètres. Les étapes s'enchaînent rapidement. Ayant pris le pli des pélerins, on alterne auberges municipales généralement moins chères (cinq à six euros la nuit) et auberges privées raisonnablement plus chères (huit à neuf euros) mais bien plus accueillantes. Celle de Rabañal del Camino, l'auberge El Pilar par exemple, nous laisse un souvenir des plus positifs. On franchit un arvô décoré de clichés de pélerins et de coquilles en tous genres, puis l'”hospitalero” nous accueille dans un grand patio intérieur contenant un bar de caractère animé, des tables, des chaises et un coin repas couvert. Tout autour sont repartis les dortoirs, l'un pour les pélerins et l'autre pour les cyclistes, cette distinction leur permettant dès lors de se lever un peu plus tard ;-) , une cuisine tout confort et des sanitaires propres, de quoi ainsi se reposer après une journée qui a été caniculaire! Cette auberge était autrefois une maison traditionnelle de Castille et Leon qui servait à ranger le convoi tiré par des chevaux et qui effectuaient les transports de poissons de A Coruña à Madrid.
Les pélerins à vélo rencontrés, appelés ici les bicigrinos, sont toujours plus nombreux comme ce groupe d'Espagnols dont Rodrigo fait partie. Il nous explique, entre autres, que son père, alors à la tête d'un bureau d'architectes de quarante personnes, s'est exilé en République Dominicaine suite à la crise en Espagne et la fermeture de son agence. Son frère, également architecte, a quant à lui atteri à Cancún pour y travailler dans une boîte de construction américaine. Les squelettes en béton croisés en Espagne témoignent en effet d'un passé proche et d'un présent difficiles pour le secteur de la construction.

Le col O Cebreiro franchi, on entame une longue descente. Les mousses apparaissent sur les toits, la végation est plus dense et plus verte, on croise bientôt un nuage, la température diminue, le ciel s'assombrit,..., bienvenue en Galice! Cette grisaille associée une agitation urbaine plus contenue nous laisse une première mauvaise impression. On poursuit alors notre route à la recherche d'un endroit plus acueillant et notre arrivée à l'auberge de Melide sera ponctuée d'une nouvelle et belle rencontre... Julian est un bicigrino, un qui inspire de suite la sympathie et un sens développé de la débrouillardise. On cause. Il nous explique être argentin et avoir débarqué il y a trois mois à Amsterdam. Ses connaissances sur place lui ont fourni (contre paiement) un vélo de randonnée type “hollandais” assortis de sacoches de voyage étanches. Son voyage a démarré ensuite sans itinéraire prévu. Sa seule certitude est d'être à Lisbonne le 9 octobre prochain pour prendre son vol de retour. Il avance d'un endroit à un autre en fonction des amis, des rencontres, des warmshowers et des couchsurfers disponibles. Arrivés au trois-quart du chemin de Saint-Jacques et n'ayant plus de quoi se nourrir, il part alors tous les matins vers 7h00 jouer de la trompette sur le camino histoire d'égayer le départ des pélerins et ramasser quelques sous. Son histoire nous passionne et nous poursuivons notre conversation dans bar nous ayant été recommandé, qui s'avère être en fait une grossière cantine, à manger du poulpe pas cher, cuit à l'eau et tranché aux ciseaux et à boire du vin très (trop) jeune, mais peu importe, la rencontre est belle. On prend rendez-vous ensemble pour décembre prochain.
Je me réveille le lendemain vétu du maillot de meilleur grimpeur... Non, je suis plutôt victime d'une attaque massive de punaises ayant pris possession de mon matelas! Mes bras et mes jambes étant couverts de piquûres qui démangent terriblement, je me résigne à entamer enfin l'imposante pharmacie gracieusement offerte par Marylène. Merci, ça va mieux!

La dernière étape vers Santiago est particulièrement encombrée. Des cars entiers d'Allemands n'ayant pas encore pris le soleil cet été et ayant quelque trop fêté la victoire de leur équipe de foot ou encore des écoliers portugais tout excités de se revoir après deux mois de vacances, sont déversés sur les cent derniers kilomètres du camino, distance minimale nécessaire pour obtenir la Compostela, ce diplôme obtenu au bureau des pélerins de Saint-Jacques dans des conditions, nous semble-t'il, un peu trop artificielles. A cette autoroute de pélerins, nous préférerons la nationale moins encombrée.

Quelques grimpettes très raides plus tard, puis une traversée de la ville guidés de “conchas” (coquilles) tous les cinquante mètres et la cathédrale de Santiago s'offre à nous! La place qui lui fait face est remplie de pélerins “arrivés” à destination. Chacun s'exprime dès lors à sa façon: certains hurlent leur joie, d'autres brandissent à bouts de bras leur sac ou leur vélo en guise de trophée, quelques-uns se reccueillent, plusieurs sont tristes, car ce n'est pas le centre de la cible qui les intéresse, mais bien le vol de la flèche..., tous cependant, rougis par l'effort et parfois clopinant, se prennent en photo devant la cathédrale!

Parmi eux, l'un ou l'autre continuera jusque Finisterra, histoire de prolonger cette expérience formidable trois jours de plus et jeter enfin ses chaussures dans l'océan (c'est la tradition). On raconte qu'un retraité, plus radical, a vendu sa maison et tous ses biens, pour poursuivre l'aventure et cheminer sur les très nombreux sentiers de Saint-Jacques répartis de part le monde et cela pour le restant de sa vie. Pour notre part, la cathédrale de Saint-Jacques jalonne de sa flèche notre route. On la poursuit vers le Portugal, empreints de ce même esprit positif rencontrés chez tous les pélerins de ne donner que le meilleur de soi-même!
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