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jours du bord de mer

Aujourd’hui c’est le grand jour, nous retrouvons l’eau, pas celle des paquebots affrétés pour des mois, pas celle qui fait flotter les épices et tonnes de tissu depuis la terre du Levant. Non, une eau intérieure, salée mais douce car proche pour les petits Européens que nous ne cessons d’être.

C’est donc la mer de Marmara que nous apercevons depuis le hublot, puis de la terre… blanche. Cela fait 2 ans que nous ne voyons pas de neige, la substance bleutée nous fait cligner des yeux. Et frissonner. A l’arrivée c’est le petit matin sur le Vieux Continent, un taximan fait honneur à la réputation de l’accueil turc et nous nous retrouvons en trois sourires et trois conseils dans le studio loué à Istanbul, entourés de nos sacs et caisses. Alors maintenant quoi, on attend le dégel ?

Oui, enfin on s’en remet tout doucement. De deux semaines en famille, de Delhi, du vol, de la poussière qui a enflammé nos bronches. Nous découvrons l’Occident oriental, son ordre, sa propreté, son froid, ses plats. On nous avait décrit la capitale comme une fourmilière immense, un bouillonnement de voitures et de gens dans un dédale de rues pourtant tout nous semble si calme. Le seuil de tolérance ne peut sortir que transformé après nos mois d’Asie.

Entre une visite de Hagia Sophia et du souk tellement rangé, le temps file alors que nous planifions la suite de l’itinéraire. Vu les conditions climatiques, nous cherchons des hôtes Warm Showers et Couch Surfing qui nous ouvrirons de temps en temps la porte d’un foyer chauffé et sec. Le voyage à vélo c’est donc ça, rouler et rencontrer sans arrêt, et, quand on ne le fait pas, c’est qu’on en rêve ! Après trois jours, le tapis blanc n’est plus que lambeaux évanescents, nous partons donc de bonne heure, couverts de toutes nos couches, on n’avait plus pédalé comme ça depuis l’Islande en 2009. Mais au bout de la rue, on doit déjà enlever un polaire, on avait juste oublié la chaleur des muscles.

La sortie d’Istanbul se fait sans encombre, beaucoup d’asphalte et de béton, mais l’application GPS qui nous guide désormais nous épargne les grands axes, pour le moment. Le soleil avait bien voulu se montrer pour notre redémarrage mais au 2e jour, c’est un déluge glacial qui s’abat sur nous, et dans ces conditions, on s’arrête le moins possible, juste avancer dans un champ de vision réduit à l’ouverture de la capuche et de l’écharpe. Mais évidemment, ce n’est qu’une question d’heures et à la nuit tombée nous arrivons chez Gorkem et Onur, deux étudiants francophiles, qui nous invitent joyeusement dans leur appart d’étudiant. Ils sont tellement sympas, et leurs petits plats si délicieux que nous y restons un jour de plus. Ça discute musique, voyages, famille et on retrouve le temps d’un jour un petit bout d’Erasmus.

Jusqu’à la frontière avec la Grèce, ce ne sera plus désormais que nationale lisse et droite, rien d’excitant et pourtant nous sommes heureux de retrouver la route, l’air pur et le camping, même si ce n’est qu’à côté d’une station-essence et dans le doux bruit du lavage de voitures. Puis enfin, les postes de douane et, il fallait s’en douter, le tendre accueil de l’espace Schengen : je dois effacer toutes mes photos de notre entrée sous le drapeau bleu étoilé, quoi, on ne s’était pas rendus compte que c’est ici une zone militaire ? Bizarrement, on voyait ça autrement.

La Grèce nous accueille entre pluies fines et ciels resplendissants. On retrouve, malheureusement, le Carrefour mais aussi notre premier camping ouvert, du bon fromage et du pain ! Les jours se suivent et ne se ressemblent jamais, le temps, le paysage qui passe de collines escarpées à de grands pleines venteuses, les villages ou trône parfois la mosquée parfois l’église aux courbes généreuses, nous fait passer d’un monde à l’autre.

Puis en ligne de mire, c’est Thessalonique, deuxième ville grecque où Antigone, une hôte WS, nous attend. Il faudra mériter notre lit : la pluie glaciale commence vers 11h pour ne plus s’arrêter de la journée, la route nous emmène dans une montagne où il faudra pousser les vélos pendant une heure – même dans les Andes cela ne nous est pas arrivé -, toutes nos couches percent l’une après l’autre et les freins des vélos lâchent un à un. La pluie ne fait pas qu’user les patins. Nous arrivons donc… en poussant et en retenant les vélos qui veulent dévaler les pentes glissantes de la vieille ville. Dans la nuit qui s’installe, un carré de lumière apparait, la grande porte s’ouvre et Antigone est là. Nous ne savions pas encore que cette ville allait tant nous chambouler.

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