nomadisme de luxe
- cestpartipouruntour
- 28 juil. 2015
- 3 min de lecture
Les États-Unis étaient annoncés comme le pays où les piétons étaient priés de s'acheter une voiture, généralement un gros pick-up surélevé V8 intérieur cuir, pour parcourir les larges avenues, commander un café au drive-in, un menu hamburger-frites ou même retirer de l'argent. Quand vient l'été, c'est derrière un "RV" (recreational vehicle) que se retrouve le 4x4, ridiculement attelé à une sorte de bus aménagé grand luxe, lui-même préparé à parcourir de longues distances, autonome, à la recherche d'évasion et de contrées lointaines,..., et finalement s'arrêtant chaque soir dans un camping pour ne pas en sortir.

Camping ou plutôt un parking où chaque emplacement est associé à un carré de pelouse et une indispensable borne impétrants. Camping ou plutôt une aire de repos sans eau ni électricité, mais avec une toilette sèche. En alternance. Les services se font rares, car tout est maintenant intégré dans ce logement de "fortune" mobile. 90% d'RV contre 10% encore il y a dix ans, la toile de tente n'a plus sa place et est laissée aux derniers chercheurs de simplicité (d'or parfois) desquels nous faisons partie.

Simplicité, mais aussi recherche de contact et de convivialité, c'est à nouveau vers le réseau Warmshowers que nous nous tournons. Et autant dire que l'accueil des Américains est à la hauteur de leur pays. Huge! Car derrière une montagne d'objets, du téléphone dernier cri au RV en passant par la grosse voiture, la Harley, le quad, la piscine, le bateau,..., destinés à se "simplifier" la vie, l'Américain moyen éprouve une profonde affection envers le cyclotouriste et l'effort qu'il accomplit pour atteindre son bled, reculé, paumé et inaccessible selon lui autrement qu'en GMC, Dodge ou autre Chevrolet Camaro.

Pourtant nous sommes là, en plein milieu de la chaîne de montagnes North Cascades. Et si heureux de nous voir arrivés, c'est avec une chambre climatisée, un cottage, une piscine, un resto, un barbecue, une bière, un thé glacé et parfois tout cela réuni (en toute simplicité quoi) qu'ils nous accueillent. Attablés autour de viandes grillées, Janet, notre hôte, nous raconte qu'elle et son mari se sont rencontrés sur la Pacific Crest Trail, grande randonnée de plus de 4,000 km traversant les USA de la frontière mexicaine à la frontière canadienne. Notre itinéraire a déjà croisé plusieurs fois ce sentier devenu célèbre depuis la sortie récente du film "Wild". Parcouru par des milliers de personnes chaque année, dont 300 environ le réalisent intégralement, nous n'avons pourtant pas encore rencontré de randonneur pour nous faire part de ses impressions.

Si les rencontres sont difficiles en montagne, elles le sont moins à l'entrée des supermarchés. Après avoir dévisagé nos vélos chargés, le chaland entame souvent la conversation en me faisant remarquer que mes sacoches avaient déteint fameusement, ce qui laisse supposer un long voyage derrière nous. "Vous venez de loin ?" Quelques mots échangés puis il repart, la plupart vers leur quotidien, l'un d'entre eux prenant soin de nous offir du beef jerky (viande séchée découpée en fin morceaux), d'autres nous proposant le logis. C'est le cas de Wilson, un mec formidable qui nous accueille avec toute la psychologie du monde, celle qui comprend instinctivement tous les besoins de deux cyclos "jerky" (desséchés au soleil); les laisser prendre une douche avant d'engager une conversation interminable, leur proposer un hamac ou un siège à bascule afin de digérer tranquillement, leur suggérer ensuite la visite d'une jolie petite maison en bois, autonome, accrochée au flanc de la colline, de quoi alimenter leur imagination quant à "où" et "comment" habiter à leur retour, les inviter à souper dans le resto mexicain qu'il affectionne, les bercer en soirée de country music acompagnée de sa guitarre, insister enfin pour qu'ils se reposent convenablement dans le lit douillet de la chambre d'amis. Un mec formidable je disais.

Il fait beau, il fait chaud, c'est toujours la même chanson. Après 1,000 km parcourus en quinze jours dans ces paysages de montagnes, de forêts de douglas, de rivières à l'eau turquoise, de lacs, nous prenons la direction de la côte Ouest sur conseil de Janet. L'Oregon coast est, paraît-il, gorgeous! Il était prévu de rester dans l'innland jusqu'en Californie, mais comme souvent lors de ce voyage, le tracé s'adapte aux coups-de-coeur des locaux. Nos montures traversent le pont des dieux surplombant la rivière Columbia, elle-même séparant naturellement les états de Washington et d'Oregon. La côte, c'est par là, nous dit-on, mais d'abord, arrêt à Portland...

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