des arbres qui marchent
- cestpartipouruntour
- 10 juin 2015
- 3 min de lecture
La longer depuis des milliers de kilomètres, l'imaginer sans jamais y entrer, c'est finalement en Equateur que nous décidons de pénétrer l'Amazonie. Dernier col, derniers instants de fraîcheur, puis nous entamons une lente descente alternant paysages variés vers Lago Agrio, ultime ville avant la jungle où il est possible de contracter une excursion jusqu'à une réserve protégée. Le terme “excursion organisée” nous hirisse le poil, les expériences jusqu'à aujourd'hui ne s'étant pas toujours révélées très concluantes, mais c'est la seul moyen de visiter ces lieux reculés.

Notre équipée sera composée de sept personnes, toutes francophones, nous deux et cinq Français à embarquer dans un mini-bus deux heures durant suivies de deux heures trente de pirogue motorisée à sinuer entre les arbres en direction de la réserve du Cuyabeno. Les animaux de la forêt équatoriale sont connus pour être discrets, très vite pourtant nous apercevons de grands papillons colorés, des oiseaux tout autant, des singes espiègles sautant habilement de branches en branches, puis un anaconda immobile dont les tonalités se fondent avec le tas de branches mortes sur lequel il prend le soleil, le tout sur fond d'une végétation luxuriante et diversifiée, jamais deux espèces d'arbres les mêmes et des lianes de toutes parts plongeant leurs racines dans l'eau noire teintée par les arbres riches en tanin. Ce spectacle suffit déjà à marquer mon esprit. Il ne s'agit là pourtant que d'un avant-goût...

La pirogue s'enfonce plus profondément, toute trace de civilisation semble exclue, aucune déforestation à l'horizon, puis soudain nous bifurquons entre deux arbres immergés et découvrons notre lodge, tout en bambou et planté là sur un bout de terre ferme. A peine installés, nous repartons vers une lagune plus importante où quelques dauphins roses montrent le bout de leur dos. Le soleil couchant revêt à l'eau une couleur or, et c'est ici que nous serons inviter à nous baigner, au milieu d'un monde inconnu, quelque peu terrifiant, grouillant entre nos orteils. Edwin, notre guide, choisit cet instant pour nous expliquer qu'il y a bien longtemps, un touriste allemand a été tiré vers le fond par une anguille … ou s'agissait-il d'un anaconda?

La nuit totalement noire est le moment choisi pour le début du concert, celui d'une faune invisible qui encercle le lodge. On ne voit plus rien mais on entend tout. Invisible enfin presque car une rainette arboricole vient me surprendre alors que j'avance à tatons dans la salle de bains (PS: une rainette aggripée aux carrelages est bien plus mignonne qu'un gros rat sortant de l'évacuation du wc pour me gratter les fesses lorsque je suis confortablement installé. Anecdote véridique m'étant arrivée en Colombie). Le réveil est léger, le corps reposé. La jungle en cette saison n'est en effet ni trop humide, ni trop chaude et les moustiques s'abreuvent raisonnablement. Nous sommes tous avides de découvertes et de mettre nos sens en exercice. Un déjeuner frugal marque pourtant le commencement d'une journée à oublier. Accueil inexistant lors de la visite d'une communauté, les sourires semblent brimés par un malaise ambiant et la confection de pains de yuca avec une locale ne contribuera pas à briser la glace. La balade qui suit dans la forêt nous paraît trop courte, le lunch de midi ridicule et la séance avec le Shaman trop artificielle. L'impression d'être manipulé prend toute sa splendeur lorsque nous sommes conviés à observer un crocodile obèse nourri copieusement tous les jours au même endroit... Tout semble chiqué et après s'être confiés à Javier, l'autre guide, il nous promet un lendemain plus aventureux.

Et de fait, la randonnée du lendemain matin dans les sous-bois comblera nos attentes: découverte d'une flore exubérante dont les arbres marcheurs, d'autres aux allures d'os, de la sève permettant d'allumer un feu et dégustation de fourmis au goût acidulé. L'après-midi, nous ramerons vers des endroits plus reculés, essayant d'approcher en silence toucans, perroquets et singes capucino, avant de sortir notre canne et pêcher jusqu'à quatre piranhas! Javier est un passionné espiègle qui n'hésite pas à embrasser une mygale pour nous impressionner, à tendre la main vers un fruit à l'aspect étrange pour nous rassasier, à sortir des endroits autorisés pour nous combler.

Nous nous réconcilions pour un temps avec la visite guidée en général et Ann et Hugo, couple français en voyage depuis 6 mois, partage notre avis. Venus de Nancy, ils ne sont pas là pour militer contre les coupeurs de bois, mais pour “s'évader d'un cadre de vie trop restreint” à la recherche du dernier endroit reculé. C'est ensemble que nous prenons la “route” du retour, revoyant ces lianes sur lesquelles on a envie de tirer pour décrocher un jour de plus. L'excursion se terminant trop rapidement sur cette belle rencontre, on se peut se quitter sur une simple poignée de mains. On se donne ainsi rendez-vous en Colombie, se promettant de vivre des expériences tout aussi inoubliables!

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