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les sources

  • cestpartipouruntour
  • 17 oct. 2014
  • 3 min de lecture

On descend, on serre les freins, sans à-coup sinon c'est le dérapage dans le décor. Et puis enfin un carrefour et des panneaux bilingues, la version française n'a pas été arrachée cette fois. Les sources sont à deux petits kilomètres. Aux pieds des indications, Bruno, Alain et Cris discutaillent avec un local: on calcule la distance, on imagine les montées. Il faut encore parcourir le chemin poussieureux en pente douce, au loin, et le village est là, les sources doivent se cacher derrière.

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Mais voilà que ce n'est que la parking, une excursion en soi: un jeune nous alpague et à peine le pied à terre qu'il s'agit de négocier notre stationnement, la surveillance des bécanes et leurs paquets. On argumente, c'est plus petit qu'une voiture! Oui mais madame, il y a les bagages, c'est de l'attention, c'est 20 dirhams. On cadenasse, on prend l'essentiel: papiers, billets, appareils et carnets. Le reste nous attendra là, Inch Allah.

Entre-temps, notre garde nous vante déjà les mérites des tajines d'une paillotte qu'il connait bien là-haut. Autre marchandage. Le quatuor de cyclistes suit alors le guide improvisé. Il a la langue, le pouvoir de l'interpète, nous sommes pieds et bouches liés. Se succèdent de petites cabanes dans lesquelles les habitants vendent de l'élémentaire, le pain cuit à un regard de là. A l'accessoire: souvenirs pour touristes en soif de gagdgets, colliers, bois sculpté et déco style authentique.

Un groupe de marocains nous dépasse, citadins en jeans, baskets, pull dernier cris, gsm en main et clef de Dacia en poche. La ville vient prendre l'air chez les berbères. Ça sautille, ça piaille, facebook se chargera de diffuser l'excursion entre amis, la pose devant l'eau turquoise est de rigueur.

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Je grimpe, je trébuche, plus de paillottes et je frôle un gant: une main de toile noire échappe d'une robe noire recouverte d'un long foulard tout aussi charbon. Des yeux de femmes se dessinent dans l'étroite balafre de visage blanc laissé apparent. Elle est de sortie et pose avec son petit déjà recouvert d'une djellabah.

Ça et là, ça fume, ça souffle et ça évente; il faut bien les nourrir de tajines berbères des nouveaux venus. Les femmes aux fourneaux, les hommes aux affaires, les quarante sources ont leur éco-système économique bien rodé, et bien genré.

Entre les bicoques de roseaux, l'eau jaillit de partout. Quarante sources, il faut les croire sur parole, l'élément aqueux serpente sans fin. Calme l'été, il parait qu'il emporte tout quand vient l'hiver. Adieu cabanes, toitures et toiles tendues, l'humain refait sa place au printemps.

Après la grimpette et le passage par la cascade qui allège celui qui franchit le pont de bois de 3 petits dirhams, on se retrouve assis en indien sur le double tapis de laine garni d'une table basse. A gauche, un couple se parle par gsm interposés, à droite, des jeunes hommes attendent impatiememnt leur plat, ils rigolent et échangent des photos. Parlent-ils de leur boulot, de foot, de leur dernière conquête ou de leur prochain mariage? Leur langue, ce charabia musical haché nous laisse toute la place à notre imagination.

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Bientöt la tajine arrive, arrosée de thé à la menthe que le pain se charge d'absorber. L'interpète de circonstance nous rejoint alors pour organiser notre nuitée sur place: on lui parle du clapotis de l'eau, de calme et d'une agréable solitude, il propose un souper, un bon deal, un gardiennage vélo, ce sera une paie supplémentaire d'Européens.

Après un petit tour par le village, réduit à la plus simple expression de groupement de maisons, Bruno apperçoit des cabanes vides en bas des sources. On rencontre les propriétaires et nous voilà débarquant nos montures dans les abris de torchis. Le soleil fond, les derniers promeneurs du dimanche quittent les lieux. Nous sommes seuls, ou presque, petit sentiment d'interdit, comme lorsqu'on reste au parc après sa fermeture, on se réjouit de voir la nature en vrai, une fois que les humains ont tourné les talons.

Odeur de al ramout, feu de bois, viande macérée. On déguste notre deuxième tajine de la journée à la lampe frontale sous l'oeil effarouché des ados berbères qui, du haut de la colline, épient notre étrange cirque.

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Le soleil se couche mais le silence ne s'impose pas: enjambées agitées, tambourins et rires goguenards. Soudain, des coups de feu, ou serait-ce des petards? Fêterait-on un mariage là-haut? La nuit dilate nos pensées: tuniques berbères, vues panoramiques, le thé brulant du matin. La journée ne se termine que lorsque la suivante s'impose. On ouvre les yeux, l'aube est bien là, et nous couchés sur nos tapis multicolores. Oui, un bivouac de rêve.

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