théorie générale des îles
- cestpartipouruntour
- 22 févr. 2015
- 5 min de lecture
S'il y a un lac qui fait rêver, s'il y a une mer intérieure qui nous parait lointaine et si près du ciel, c'est sûrement le Titicaca. On sait qu'il est là, perdu entre montagnes, au milieu du Pérou ou bien serait-ce en Bolivie?
On a décidé d'aller le voir, s'y promener, le longer et y dormir, enfin plutôt sur ses îles qui, à défaut de marées océaniques, subissent celles du tourisme, en masse. Explications.
Au soleil
En venant de l'ouest, le turista de passage se fera nécessairement happé par un joli nom qui sent la plage et les palmiers: Copacabana. Pourtant ici ni l'un ni l'autre, mais bien un petit port où zigzaguent Argentins et Chiliens, quand les Européens travaillent leur hiver. Arrivés tardivement après une longue et belle étape, nous optons pour une formule “all inclusive”: bateau, visite et rando pour quelques bolivianos.
Nous voilà donc levés à l'aube, on cueille au marché quelques beignets trop frits avant de nous diriger vers le port, le temps donc qu'éclate un orage qui décide de rincer la ville, du haut vers le bas, pas de surprise, créant des torrents d'eau qui envahissent le ponton, nos godasses et nos pantalons. On commencera mouillés.
La traversée donnera le temps au ciel de s'en remettre et nous débarquons sur la Isla del Sol en respectant son nom. On nous grapille de 15 bolivianos pour grimper jusqu'aux ruines où la jeune guide du coin mélange Inca, Tiwanakus et autres civilisations (tant que c'est avant Colomb), puis s'emmêle dans les chiffres, tailles et dates. Mais voilà qu'elle se rattrape sur le “Titijaja”. Oui, parce que ce lac ne se prononce pas à la manière des excréments! Le “c” est guttural, il se racle au fond de la gorge et signifie, pour cette première guide "le puma de pierre", le caillou qui surplombe le nord de l'île l'atteste, si l'on veut.
S'ensuit une marche de deux heures et midi et demi approchant, Cris s'enquit de la pause casse-croute mais la guide coupe court à tout rêve de sacro-saint poulet-riz: il faudra attendre 2h. Heureusement, on avait dans nos sacs des petits pains, de la mortadelle pas très italienne et une moutarde fluo, ils feront l'affaire.
C'est donc entre deux bouchées de pain que nous aurons le clou du spectacle: pentes à pic de terasses verdoyantes sur fond de mer bleu émeraude et, au loin un sentier sans fin. La dernière demi-heure, la guide devient étonnament serviable, souriante et locace. La voilà qui demande des pourboires.
Arrivés en bas et sur la plage de cailloux gris, on flâne au soleil et engloutissons une soupe (de légumes, précisent les cuisinières). Le bateau repart en crachotant et remplit la cabine d'une douce odeur de carburant mais là-haut, sur le ponton, le soleil nous suivra jusqu'à Copacabana.
Parc Asterix!
Deux jours après, le temps de poinçonner nos passeports, de changer de monnaie et de recevoir nos premiers sourires péruviens, nous arrivons à la trépidante Puno. On se laisse tenter par un tour des trois îles proches: les îles flottantes Uros, et les deux autres réputées pour leur authenticité, si si. On convaint Gabriel, un cyclo chilien croisé de villes en villes, de nous accompagner.
Directions les Uros donc: si vous n'avez jamais été au Parc Asterix ou si vous avez oublié comment c'était, je vous les recommande chaudement! C'est un peu pareil, montagnes russes en moins. Il y a les gens habillés “typique” qui vous accueillent très "sincèrement" sur leur île, on nous explique comment tout ça est fait mais le rêve s'arrête là. Bien vite les tréteaux d'artisanat sont sortis sur la minuscule place, un rabatteur tanne les visiteurs pour les emmener dans son bateau à tête de dragon puis place aux chansonnettes en aymara (ah?), espagnol (ok), anglais (hein?) et japonnais (j'abandonne).
Sauve qui peut! J'attends la fin du spectacle sur le bateau et entend au loin le président du village (de trois maisons) avouer à un touriste qu'ils ont vendu leur culture pour nourrir leurs enfants. Ou bien serait-ce l'inverse? L'histoire de la poule et de l'oeuf semble universelle.
La flemme?
Direction alors la deuxième île où nous passerons l'après-midi et la nuit. A peine le pied en terre ferme et nous sommes accueillis par Catalina et ses voisines, toutes vêtues de jupe fushia remontée d'un chemisier fleuri. À Amantani, le tourisme est communautaire, chaque village de l'île reçoit donc tour à tour les visiteurs d'une nuit, le nôtre sera celui sur la cime (on manquait d'exercices) au pied des deux temples, celui de la Pachamama et du Pachatata.
On découvre notre nouvelle maison, la petite cuisine en terre et notre chambre aux lits recouverts d'épaisses couvertures de lamas. Dîner faisant, on lance toutes sortes de conversations: la culture, la maison, le tourisme, son artisanat. Mais rien n'y fait, Catalina parle par bribes, sans précisions. Entre les Anglais de l'avant-veille et les Argentins du surlendemain, elle se fatigue de transposer ses pensées aymara en espagnol comme il faut. La voisine et la famille aidant, nous arriverons tout de même à saisir le b.a.-ba de l'île.
Après deux imposantes montées pour l'immanquable visite des temples (ou bien était-ce la plus longue vente de bonnets péruviens? Les insulaires avaient littéralement envahis les bas-côtés) nous redescendons pour souper et enfiler nos costumes! Oui, ce soir nous sommes invités à s'habiller traditionnel: Cris et Gabriel portent donc le poncho ligné alors que moi, je me vois refiler une énorme jupe fushia, un chemisier brobdingnagien brodé le tout serré dans une épaisse ceinture de laine. Nous ne mourrons pas de froid ce soir. Puis là, tout est millimétré: envoyés dans la salle des fêtes, on nous fait danser en cercles concentriques, parralèles ou déformés, pourvu qu'on s'agite! Il y a même de la bière et du coca, je perds Cris et Gabriel qui se mêlent à la foule de nouveaux Indios endiablés.
La séquence matinale n'est pas moins minutée: lever, déjeuner et embarqués. Adieu à cette brave famille qui reçoit fle(g)matiquement ces blancs venus d'ailleurs et si vite repartis.
Taquilé-business
On avait dit trois îles, il nous reste donc la grosse dernière, Taquilé la voisine. Nous avons à faire ici à un business qui tourne, à un cinéma bien rodé, les touristes ça fait vingt ans qu'on les voit débarquer jour après jour, qu'il pleuve ou qu'il vente, donc autant organiser ça. En faisant payer l'entrée de l'île le double des autres par exemple, en exigeant un sol pour chaque photo de Taquileño ou en imposant un prix du menu du jour supérieur à quatre fois son équivalent continental. Je commence à regretter ma pampa à bicyclette.
Cela dit l'île est belle, les maisons en adobe se cramponent aux pentes abruptes
et les touristes ne manquent pas de s'extasier sur les chapeaux des hommes (indiquants leur statut marital) ou sur leur tricot (ce n'est pas un gêne féminin?). Deux heures plus tard, le bateau repart, remplis de photographes en herbes, des photos plein la tête, comme prévu, ou serait-ce des clichés?

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