histoire d'enfants devenus grands
- cestpartipouruntour
- 28 mai 2015
- 3 min de lecture
Il était une fois... une ferme au creux des collines dans laquelle vivait une petite famille disons métisse: une maman équatorienne et un papa d'origine allemande, sorte de réunion du nouveau et vieux monde. Ils avaient construit la ferme à leur image avec une grande pièce de repos pour les enfants, une autre pour les parents, un espace de calme dédié à l'étude; une cuisine où on préparait les festins et puis un beau living, là où on on mange, on rit et on cause. La plus grande pièce se trouvait dehors, l'endroit où les 3 enfants pataugeaient dans la gadoue, couraient dans les prés pentus et jouaient au vacher. Oui, parce que les parents se sont spécialisés dans les petites vaches suisses qu'ils ont adaptés année après année à la région et au 2800 m d'altitude. Au moyen de calcul simple de croisements de bêtes, Francisco s'est transformé en généticien réputé dans tout le pays.
Serait-ce un petit conte enfantin et suranné? Pas du tout, sauf qu'il fut préciser qu'aujourd'hui les 3 gamins sont devenus grands et vivent plus haut sur la colline, chacun dans leur cabane.
Le lieu de l'action? C'est Palugo, à peine à 30 km de la trépidante capitale équatorienne, petit village était tranquille jusqu'il y a peu, en fait jusqu'à l'arrivée du nouvel aéroport qui menace de transformer ces champs et leurs bicoques en zoning industriels, hôtels pour business(wo)men et hangars de stockage.
Les personnages? On dira que ce sont ces 3 grands gosses qui sont entre-temps passés par le Canada pour y obtenir leur diplôme de guide de haute montagne. Une fois revenus, bien accompagnés, ils ont décidé de vivre dans l'environnement qui les a vu grandir et d'en faire profiter les autres. A côté de l'élevage de vaches des parents sont donc apparus Nahual et Nahuco.
Cette dernière forment les travailleurs et stagiaires à la permaculture, suit les récoltes et veille à la distribution des produits dans les environs.
Nahual est destinée à la formation et à l'encadrement de ceux venus connaitre la région, sa biodiversité les potagers en permaculture. C'est comme ça que Tomás, ses frères et sa femme ont construit 3 cabanes pour accueillir les groupes d'ados assoiffés de contact avec Le Monde, le vrai; de baroudeurs en recherche de grands espaces; de quinquas de retour à la nature et de trentenaires en reconversion à la permaculture, à la naturopathie et au “home-made” en général. Un peu nous tous quoi.
Nahual c'est aussi la "escuela de montaña" qui emmène des randonneurs aux 4 coins du pays, depuis la Sierra vertébrale aux parcs nationaux du piémont sans oublier l'ascension de l'un ou l'autre cratère. Entre deux sorties Mathias et Michael construisent leur maison de bois et de pierre pour y accrocher leur hamac et une balançoire pour les nouveaux enfants de la tribu.
Qui de l’élément perturbateur? C'est donc le rouleau compresseur aéroportuaire qui met des dollars plein les yeux des agriculteurs du coin. Usés par le lever à l'aube, le poids des bottes crottées à traîner jusqu'au soir parce qu'il faudra encore traire, laver, embouteiller, cultiver, vendre, contacter. L'aéroport, pour beaucoup, y'a pas à dire c'est l'aubaine pour tout revendre à bon prix. Adieu vaches, cochons, poules, et lex yeux brûlants de fatigue du matin au soir.
Pourtant, pour les 3 frères, revendre leur terrain c'est plus qu'abandonner leur terres, leur potager fleuri et leurs cabanes. Cela voudrait dire renoncer à chacune de ces plantes que l'on connait et qui permet de soigner les moindre bobos, laisser tomber les douches solaires et les fours à pain dans la cuisine au grand air qui enchante les jeunots de passage. Mais plus encore, derrière tout ça, ce serait oublier des savoirs-faire et des valeurs affûtées année après année comme le fonctionnement par cycle, le recyclage de presque tout, la vie simple adaptée au milieu.
Donc une fois ce constat tiré, les chicos de Palugo se sont mis en branle: il s'agit maintenant de faire reconnaître toute la zone autour de la ferme et sur les collines en face comme “corridor écologique” à la faune et flore unique. En plus de ça, ils ont commencé à débroussailler des anciens chemins entre les bosquets et pâturages pour la randonnée et le vtt, un projet qu'ils voudraient étendre à tout le pays. Puis finalement, le grand challenge, c'est de continuer à faire ce qu'ils font de mieux, à attirer des gens dans leurs projets, éduquer, apprendre et parcourir la nature. Quoi de plus interpellant finalement que d'avoir un potager en permaculture, des pâture non traitées et des cabanes écologiques à un vol de colibri de l'aéroport? Alors que nous remontions le chemin de la ferme vers l'horizon qui nous attendait, on entendait les premiers cris d'émerveillements des gosses américains débarqués la veille et déjà pendus au hamac à l'entrée de leur cabane.

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